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la prescience de Dieu contemplait dans l’avenir ce bien qui devait naître, et le confia à son infinie bonté, qui devait disposer l’apparition de ce bien, qui n’eut rien de précipité, rien qui ressemblât à une bonté fortuite, rien qui tînt d’une rivalité jalouse, et qu’il faut dater du jour où elle commença d’agir. C’est elle qui a fait le commencement des choses ; elle existait donc avant le premier moment où elle se mit à l’œuvre. De ce commencement qu’elle fit, naquit le temps dont les astres et les corps lumineux nous marquent la distinction, l’enchaînement et les révolutions diverses. « Ils vous serviront de signe, a-t-elle dit, pour supputer le temps, les mois, les années. » Ainsi point de temps avant le temps pour celle qui a fait le temps. Point de commencement avant le commencement pour celle qui a créé un commencement.

Ainsi, n’ayant pas commencé et n’étant pas soumise à la mesure du temps, on ne peut voir en elle qu’une durée immense et infinie, on ne peut la regarder comme soudaine, accidentelle, provoquée à agir ; elle n’a rien qui puisse lui donner quelque ressemblance avec le temps, elle est éternelle, sortie du sein de Dieu, et par conséquent regardée comme sans fin, et par là même digne de Dieu, couvrant de honte la prétendue bonté du dieu de Marcion qui est bien au-dessous d’elle, non-seulement sous le rapport du commencement et de la durée, intérieure même en malice, si toutefois la malice peut se mêler à l’idée de bonté.

IV. Ainsi lorsque, du fond de son éternité, la bonté divine eut destiné l’homme à connaître Dieu, elle mérita sa reconnaissance par un autre point. Avant de l’arracher au néant, elle lui prépara pour domicile passager la masse imposante de l’univers, et dans l’avenir un séjour plus magnifique encore, afin que la sagesse éternelle se jouât dans les petites choses comme dans les grandes, se révélât de toutes parts, et que la créature passât des merveilles de la terre aux ineffables merveilles de l’éternité. Dieu couronne une œuvre bonne, par son Verbe, ministre excellent.