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la terre, il ait communiqué l’esprit du monde, grossière émanation de la terre, à toute sa postérité, animale comme lui, hérétique comme lui, et fermant son cœur aux choses de Dieu ? Qu’Adam rebelle à son créateur et substituant sa volonté désordonnée à celle de son maître, ait ouvert la première porte aux invasions de l’hérésie, dont l’acception originaire désigne un choix, une préférence, qui n’en conviendra ? Il est bien vrai que le vase d’argile n’a jamais dit au potier : « Ton œuvre manque de sagesse. » Il confessa donc qu’il avait été séduit. Qui l’avait séduit ? Il ne le dissimula point davantage. Il désobéit ; mais il né s’emporta point en blasphèmes contre le Créateur. Il ne censura point l’auteur dont il avait éprouvé dès l’origine toute la bonté, et qu’il ne convertit en juge sévère que par une volontaire prévarication. Il est vrai, encore un coup. Aussi Adam n’était-il qu’un novice en fait d’hérésie.

III. Puisque nous voici arrivés à la discussion du Dieu connu, si l’on demande à quel titre il l’est, il faudra débuter nécessairement par les œuvres antérieures à l’homme, afin que la bonté de ce Dieu, révélée aussitôt que lui-même, et reposant depuis lors sur une base indestructible, nous fournisse un moyen d’apprécier l’ordre et la sagesse des œuvres suivantes.

Disciples de Marcion, une fois instruits de la bonté de notre Dieu, vous pourrez la reconnaître digne de la divinité aux mêmes conditions qui tout à l’heure vous démontraient que cette vertu manquait de sagesse dans votre idole. D’abord ce vaste univers, par lequel il s’est révélé, notre Dieu loin de l’avoir mendié à autrui l’a tiré de son propre fonds, l’a créé pour lui-même. La première manifestation de sa bonté fut donc de ne pas permettre que le Dieu véritable restât éternellement sans témoin, qu’est-ce à dire ? d’appeler à la vie des intelligences capables de le connaître, Y a-t-il, en effet, un bien comparable à la connaissance et à la possession de la divinité ? Quoique ce bien sublime fût encore sans appréciateur, faute d’éléments auxquels il se manifestât,