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Sa bonté est défectueuse vis-à-vis de la généralité des hommes.


Tes aveux te condamnent. Tu as proclamé toi-même sa qualité de juge. Tu déclarais par là qu’il y a sage répartition dans sa bonté, et non profusion irréfléchie comme chez le tien. Cela est si vrai que c’est par la bonté seule que tu lui donnes la prééminence sur le Créateur. Ton dieu la possède-t-il exclusivement, dans sa plénitude ? Alors elle ne doit manquer à qui que ce soit. Mais que la grande majorité des hommes périsse par sa faute, ne demandons pas à cette circonstance un témoignage accusateur contre lui. L’insuffisance de sa bonté va ressortir de ses élus eux-mêmes, qu’elle ne sauve que dans leur ame, et qu’elle anéantit pour toujours dans une chair qui. chez elle ne ressuscite pas. D’où vient cette moitié de salut, sinon d’impuissance et de défectuosité ? Y avait-il pour la bonté parfaite et consommée, une loi plus rigoureuse que de disputer à la mort l’homme tout entier, l’homme tout entier condamné par le Créateur, tout entier réparé par le Dieu très-bon ? Autant qu’il m’est possible de sonder des dogmes ténébreux, la chair n’est-elle pas baptisée sous les drapeaux de Marcion ? La chair n’est-elle point tenue loin des souillures du mariage ? La chair n’est-elle pas déchirée dans les angoisses du martyre ? Si l’on impute les prévarications à la chair, l’ame a succombé avant elle. La culpabilité remonte à l’ame : la chair n’est là que comme une esclave destinée à la servir. D’ailleurs la chair, une fois privée de l’ame, est incapable de péché. Il y a donc injustice et par conséquent bonté imparfaite à laisser sous l’empire de la mort, celle des deux substances qui est la plus innocente, une substance qui a failli par soumission plutôt que par choix, dont le Christ n’a pas revêtu la réalité, dans le système de l’hérésie, mais dont il a au moins emprunté selon elle les fantastiques apparences. Par cela même que le Christ s’est montré sous le fantôme de la chair, ne lui devait-il pas quelque honneur ? Et l’homme, qu’est-ce autre