Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/61

Cette page n’a pas encore été corrigée

être naturelles. Mais la nature ne connaît ni suspension, ni repos. Qu’elle agisse ; qu’en vertu même de son essence elle se répande en bienveillance extérieure ; à ce titre, je la déclare existante. Je le demande, comment se condamnera-t-elle à l’inaction, elle pour qui le sommeil est le néant ? La bonté, au contraire, est demeurée longtemps inactive dans le dieu de Marcion. Donc une faculté qui a sommeillé des milliers d’années dans une léthargie qui répugne à des qualités inhérentes à la nature, n’est pas une bonté naturelle. Si elle n’est plus naturelle, il m’est impossible de la croire éternelle, ni contemporaine de Dieu. Elle n’est plus éternelle si elle n’est plus naturelle : elle n’a plus de base dans le passé, ni de permanence dans l’avenir. Elle n’a pas existé dès l’origine, et incontestablement elle ne subsistera point jusqu’à la fin ; car elle peut aussi bien défaillir un jour qu’elle a déjà défailli dans les siècles précédents.

Puisque la bonté long-temps inactive dans le dieu de Marcion, n’a délivré que récemment l’univers, et qu’il faut s’en prendre à sa volonté plutôt qu’à sa faiblesse, ce double point établi, disons-le, détruire volontairement sa bonté, c’est le comble de la malice. Pouvoir faire du bien et ne pas le vouloir ; tenir à deux mains sa bonté captive ; assister patiemment à l’outrage sans lui opposer de frein, connaissez-vous malice plus profonde ? La prétendue cruauté dont on gratifie le Créateur retombe sur celui qui a aidé ses barbaries par les délais de sa miséricorde. Car le crime appartient à qui, pouvant l’empêcher, l’a laissé commettre. Quoi ! l’homme est condamné à mourir pour avoir cueilli le fruit d’un misérable arbuste. De cette source empoisonnée jaillit un déluge de maux et de châtiments. Voilà toutes les générations à venir enveloppées dans la condamnation de leur premier père, bien qu’elles aient ignoré l’arbre fatal qui les a perdues. Et le Dieu bon a pu ne pas le savoir ! il a pu le tolérer, alors que s’offrait l’occasion de se montrer d’autant plus miséricordieux,