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ce changement n’arrive-t-il que dans la chair et non pas dans l’âme qui a présidé à toutes les opérations de la chair ? Comment imaginer que cette même ame qui a parcouru toute la carrière de la vie dans cette chair, qui a connu Dieu, revêtu Jésus-Christ et semé l’espérance du salut dans cette chair, en recueille la moisson dans je ne sais quelle autre chair ! En vérité, il faut que cette chair ail beaucoup de charmes, puisqu’elle obtiendra la vie sans qu’il lui en coûte. Que si l’âme ne doit pas changer, dès-lors pas de résurrection pour l’âme ; on ne pourra pas croire qu’elle ressuscite, si elle ne ressuscite pas différente.

LVII. Arrivons à l’objection la plus ordinaire de l’incrédulité : « Si une seule et même substance, dit-on, est reproduite avec sa forme, ses trais et sa qualité, donc aussi avec ses marques distinctives. » Par conséquent, les aveugles, les boiteux, les paralytiques, tous ceux enfin qui sont morts avec quelque difformité, reparaîtront avec elle. Quel est donc ce langage, quoique tu dédaignes maintenant de recevoir de Dieu cette grâce, en quelque état que tu sois ? Cessant d’admettre le salut de l’âme uniquement, ne voilà-t-il pas que tu accordes aussi le salut à des moitiés d’hommes ! Qu’est-ce que croire la résurrection, sinon la croire tout entière ? Si en effet la chair est rétablie après sa dissolution, à plus forte raison sera-t-elle guérie d’un défaut corporel. Les grandes choses servent de règle aux moindres. La mutilation ou la rupture d’un membre n’est-elle pas la mort de ce membre ? Si la résurrection détruit la mort universelle, que sera-ce de la mort partielle ? Si nous sommes transformés pour la gloire, combien plus pour l’intégrité ? L’imperfection des corps est un accident ; l’intégrité nous appartient : nous naissons avec elle : lors même que nous subissons dans le sein maternel quelque lésion, c’est la lésion d’un homme complet. Le genre précède l’accident. Telle la vie est donnée par Dieu, telle elle est rétablie ; telle nous la recevons, telle nous la recouvrons. C’est à la nature, et non pas à la disgrâce, que nous