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solide qui lui est propre, en vertu de laquelle elle peut sentir et souffrir. Que les âmes soient déjà maintenant torturées ou rafraîchies dans les lieux inférieurs, quoique nues encore et dans l’exil de la chair, l’exemple de Lazare le prouve. J’ai donc fourni à mon adversaire l’occasion de dire : Eh bien ! puisque l’âme a une enveloppe qui lui est propre, elle suffira par elle-même à la faculté de sentir et de souffrir, sans avoir besoin que la chair se représente avec elle. Loin de là, lui répondrai-je. Elle en a besoin, non pas qu’elle soit incapable de sentiment sans la chair, mais parce qu’il est nécessaire qu’elle sente avec la chair. Autant elle se suffit à elle-même pour agir, autant elle se suffit pour souffrir. Mais pour agir, quelque chose lui manque. Elle n’a de soi-même que la faculté de penser, de vouloir, de désirer, de combiner ; faut-il exécuter ? elle attend le ministère de la chair. De même, conséquemment, pour souffrir, elle réclame l’association de la chair, afin qu’elle puisse souffrir par elle aussi pleinement qu’elle n’a pu agir pleinement sans elle. Voilà pourquoi partout où elle se suffit à elle-même, concupiscence, pensée, volonté, elle en subit le châtiment. Si les mouvements de l’âme constituaient à eux seuls la plénitude des mérites, sans qu’il fût besoin de rechercher les actions, l’ame toute seule suffirait à la plénitude du jugement, puisqu’elle ne serait jugée que sur les points où elle s’est suffi à elle-même. Mais les actions étant liées aux mérites et administrées par la chair, il ne suffit plus que l’âme soit rafraîchie ou torturée par la chair, surtout pour les œuvres de la chair. L’âme a beau avoir un corps et des membres à elle, il n’importe. Elle n’a point assez de ce corps et de ces membres pour sentir pleinement, pas plus que pour agir en toute perfection. Aussi, quelques fautes qu’elle ait commises, en souffre-t-elle la peine dans les enfers, la première à endurer les jugements de Dieu, parce qu’elle a été la première à conseiller la faute, attendant toutefois la réunion de la chair, afin de compléter par la chair, à qui elle a confié ses pensées, le châtiment