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a été mêlé le poison. On n’envoie pas aux bêtes le glaive parce qu’il a versé le sang dans la main d’un brigand. »

—- Eh bien ! la chair est donc innocente, puisque les mauvaises actions ne lui seront pas imputées : rien n’empêche alors que son innocence ne devienne la cause de son salut. Je veux bien qu’on ne lui attribue ni les bonnes ni les mauvaises actions ; toutefois, il est plus conforme à la bonté de délivrer l’innocence. Car à ceux qui font le bien, elle doit le salut. La bonté souveraine fait plus, elle donne sans devoir. Vous parlez de coupe ! Laissons de côté celle qui a donné la mort ; prenons seulement celle que la magicienne, le prêtre de Cybèle, le gladiateur ou le bourreau a infectée de son souffle ; je vous le demande, l’avez-vous moins en horreur que les embrassements de pareils hommes ? Qu’on nous présente une coupe ternie par notre propre haleine, ou dont le vin n’a pas été trempé à notre fantaisie, nous la brisons pour nous emporter ensuite contre l’esclave. Mais un glaive souillé de brigandages, qui ne l’éloignerait non-seulement de sa maison, à plus forte raison de sa chambre, à plus forte raison du chevet de son lit, dans la crainte que, s’il y demeurait un moment, son sommeil ne fût troublé par des visions d’ames poursuivant de leurs sanglots l’homme qui dort avec leur sang ? Mais la coupe qui n’a rien à se reprocher, et que recommande l’exactitude de son ministère, est couronnée par son maître, ou ornée d’une guirlande de fleurs. Le glaive, aussi, noblement ensanglanté dans les combats, glorieux homicide, recevra par la consécration la louange (lui lui est due. On peut donc attacher la condamnation à des vases et à des instruments, afin qu’ils aient leur part dans les mérites de leurs maîtres et de leurs auteurs.

Je crois donc avoir répondu à cet argument, quoique d’ailleurs l’exemple manque de justesse par la diversité des choses. Car tout vase, tout instrument, vient du dehors pour être employé, matière absolument étrangère à la substance