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eût-elle convenu pour la formation de l’homme, il ne faudrait pas perdre de vue la dignité de l’artisan qui, en l’adoptant, l’a jugée digne, et l’aurait rendue telle, rien qu’en la maniant ? On adore les mains de Phidias qui construisirent un Jupiter olympien d’ivoire ; ce n’est plus un dieu tiré d’un épais et stupide animal ; c’est la grande divinité du monde : on oublie la matière pour ne voir que le grand Phidias. Et le Dieu vivant, le Dieu véritable, n’aurait pas purgé de ses souillures ou guéri de tout ce qu’elle a d’infirme, une matière, si abjecte qu’on la suppose ! Restera-t-il à dire que l’homme a pu former un Dieu avec plus de perfection qu’un Dieu n’a pu former l’homme ?

Eh bien ! si ce limon te scandalise, la forme est changée. Je tiens dans ces mains de la chair et non de la terre. Quoique la chair s’entende dire : « Tu es terre, et tu retourneras dans la terre, » cet oracle rappelle l’origine, mais ne détruit pas la substance. Il lui a été donné d’être quelque chose de plus noble que son origine, et de croître en dignité par sa transformation. Ainsi, l’or est de la terre, parce qu’il vient de la terre. Toutefois, il n’est terre que jusque-là. Depuis qu’il est or, matière toute différente, il brille d’éclat et de noblesse, quoique d’origine obscure. De même, Dieu a pu délivrer des souillures du limon, selon toi, l’or de notre chair, en anoblissant son berceau.

VII. Mais la chair paraîtra peut-être de moindre valeur, parce qu’elle n’a pas été véritablement touchée par les mains de Dieu, comme autrefois le limon. Quand Dieu pétrit le limon, pour que dans la suite il devînt chair, ce fut pour la chair qu’il travailla. Mais je veux que tu saches quand et comment fleurit la chair, de limon qu’elle était. Car il ne faut pas croire avec quelques-uns, que ces tuniques de peau, revêtues par Adam et Eve, au moment où ils furent dépouillés du paradis, signifient le changement du limon en chair, puisqu’Adam déjà auparavant avait