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le boiteux, le louche, l’aveugle, le lépreux et le paralytique, pour qu’elle répugne à reprendre son premier état ? ou bien reviendront-ils entiers pour avoir à redouter encore ces infirmités ? Qu’arrivera-t-il des conséquences de la chair ? sera-t-elle assujettie à toutes les nécessités présentes ? lui faudra-t-il surtout des aliments et des boissons ? nos poumons nageront-ils encore dans l’air ? nos entrailles seront-elles toujours embrasées ? aurons-nous encore à rougir de quelque partie de nous-mêmes ? chacun de nos membres reprendra-t-il ses fonctions ? aurons-nous encore des ulcères, des blessures, la fièvre, la goutte, et pour dernier vœu la mort ? En vérité, merveilleux encouragement à reprendre la chair, que d’aspirer une seconde fois à en être déchargé ! »

Nous avons adouci par bienséance la crudité des invectives. Du reste, païens et hérétiques, ne ménagent pas les paroles impures dans leurs conférences.

V. Ainsi, puisque les esprits peu éclairés pensent d’après les notions communes, et que les âmes simples et incertaines s’en laissent troubler, puisque partout le mépris pour la chair est le premier bélier que l’on fait jouer contre nous, il est nécessaire, à notre tour, de défendre la chair. Repoussons le blâme par l’éloge. Les hérétiques nous jettent malgré nous dans la rhétorique et dans la philosophie. Quand même ce corps, débile et frêle, qu’ils ne rougissent pas d’appeler mauvais, serait l’ouvrage des anges, comme l’affirment Ménandre et Marc, ou de quelque substance ignée, qui est également angélique suivant la doctrine d’Apelles, il suffirait, pour la dignité de la chair, du patronage de la seconde divinité. Après Dieu, viennent les anges. Or, quel que soit le Dieu suprême de chaque hérétique, je pourrais rattacher avec justice la dignité de la chair à qui eut la volonté de la produire. Car, sachant qu’elle se produisait, il l’eût empêché, s’il n’en avait pas voulu la production. Ainsi donc, suivant eux, la chair est