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connaît rien autre chose qui puisse lui révéler Dieu.


Mais la plupart des Marcionites croient à cette chimère.


Leur croyance insulte à la raison, puisqu’ils n’ont pas pour gages de la divinité des œuvres dignes d’elle. Cette divinité inerte, et qui n’a rien su produire, est coupable d’impudence et de malice. D’impudence : elle mendie une croyance illégitime qu’elle n’a pris la peine d’asseoir sur aucun fondement. De malice : elle a jeté les hommes dans l’incrédulité, en leur dérobant des motifs de foi.

XIII. Pendant que nous chassons de ce rang usurpé le dieu imposteur qui n’a rendu témoignage à son existence par aucune œuvre de sa création, et digne de la divinité, comme l’avait pratiqué le Créateur, les Marcionites, race impudente et perverse, changent de tactique, et le mépris sur les lèvres, ils vont jusqu’à la destruction des œuvres du Créateur. Le monde, s’écrient-ils ! merveilleux ouvrage en vérité ! création sublime et digne d’un Dieu !


Refusez-vous au Créateur la plénitude de la Divinité’ ? ---- non : il est vraiment Dieu. ----Donc le monde n’est pas indigne de Dieu ; car Dieu peut-il rien créer qui soit indigne de lui, quoiqu’il ail produit le monde pour l’homme et non pour lui-même ? Tout ouvrage vaut moins que son auteur. Et. pourtant, s’il est indigne d’un dieu de produire quelque chose, avouons-le, il est mille fois plus malséant à l’essence divine de n’avoir rien produit, même de peu digne d’elle, ne fût-ce qu’un simple essai qui fît espérer des œuvres plus merveilleuses.

Toutefois, pour dire un mot de cette production si décriée, comme on le prétend, de ce monde que les Grecs ont nommé d’un mot qui signifie ornement et harmonie, et non incohérence et désordre, les maîtres de la sagesse antique, au génie desquels toute hérésie moderne est vomie se féconder, ont divinisé les substances diverses que l’on affecte si fort de mépriser. Thalès plaçait le principe divin