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a-t-il encouru la malédiction du Créateur ? Nouvelle infamie ! N’eût-il pas été mille fois plus honorable de se promulguer lui-même par quelque témoignage extérieur, surtout quand il avait à le faire en face d’un Dieu auquel il était inconnu par ses œuvres, depuis le commencement du monde ? Est-il vraisemblable d’un côté que ce Dieu créateur, ignorant qu’if y avait un dieu supérieur à lui comme le disent les Marcionites, et se proclamant avec serment le Dieu unique, ait établi la vérité de son existence par de si beaux ouvrages, lui qui pouvait négliger ce soin dans la persuasion d’être seul ! Est-il vraisemblable, d’un autre côté, que ce Dieu supérieur sachant qu’il avait pour inférieur un Dieu si bien établi, n’ait rien disposé pour se révéler, et cela quand il aurait dû produire des œuvres plus remarquables et plus éclatantes afin de se faire reconnaître Dieu par ces œuvres comme il convenait à un Créateur, et même par des œuvres plus sublimes, pour se montrer plus grand et plus noble que son rival ?

XII. Cependant, admettons pour un moment ce dieu chimérique : toujours faudra-t-il l’admettre sans cause. Sans cause, puisqu’il ne se manifestera par aucune œuvre, tout être produisant hors de lui-même des effets qui lui appartiennent. Or, comme il est impossible qu’un être existe sans être cause, parce qu’à cette condition, il est comme s’il n’était pas, n’ayant pas pour raison de lui-même des créatures qui relèvent de lui, il me paraît plus conséquent de nier l’existence de Dieu, que de lui refuser l’action. Encore une fois, il existe sans cause, celui qui n’ayant pas d’effets n’a pas davantage de cause. Mais Dieu ne doit pas exister de cette façon. Que je nie sa causalité, tout en souscrivant à son existence, j’établis par là même le néant de ce Dieu. S’il existait, serait-il demeuré inactif ? D’après ces principes, je dis que le dieu de Marcion vient sans cause surprendre la bonne foi de l’homme qui est habitué à croire Dieu d’après l’autorité de ses œuvres, parce qu’il ne