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le Fils de Dieu est descendu et a pris une âme, non pas afin que l’âme se connût en Jésus-Christ, mais afin qu’elle connût Jésus-Christ en elle-même ; car elle n’est point en péril de salut pour ne se connaître pas, mais pour ne connaître pas le Verbe de Dieu. « La vie, dit-il, nous a été manifestée, » et non pas l’âme. Ailleurs : « Je suis venu sauver l’âme. » Il n’a pas dit : « Je suis venu la faire connaître. » Peut-être ignorions-nous que notre âme, quoique invisible de sa nature, pût naître et mourir, en quelque sorte[1], si elle ne se fût présentée à nous sous forme corporelle. Mais ce que nous ignorions assurément, c’est qu’elle devait ressusciter avec la chair. Voilà la vérité que le Christ est venu manifester en lui-même. Mais il ne l’a point manifestée en lui-même autrement que dans la personne d’un Lazare, dont la chair n’avait point les qualités de l’âme, ni l’âme par conséquent les qualités de la chair. Qu’avons-nous donc appris de la nature de l’âme que nous ayons ignoré auparavant ? Quelle partie invisible d’elle-même avait besoin de devenir visible par la manifestation de la chair ?

XIII. L’âme est devenue chair pour devenir visible, dites-vous ; mais la chair ne serait-elle pas devenue âme aussi, afin qu’elle pût être vue ? Si la chair est âme, du moment qu’elle est âme, elle n’est plus chair. Si l’âme est chair, du moment qu’elle est chair, elle n’est plus âme. Ainsi, là où est la chair, là est également l’âme : chacune des deux est devenue l’une et l’autre. Ou plutôt, si toutes deux s’anéantissent, par là même que l’une se confond avec l’autre, n’y a-t-il pas un étrange renversement d’idées à entendre âme sous le nom de chair, et chair sous le nom d’âme ? Toute chose court grand risque d’être comprise autrement qu’elle n’est et de perdre ce qu’elle est, en étant comprise différemment, si on lui donne un nom différent de sa nature. La propriété des noms est le salut des substances. Leurs

  1. En se séparant du corps.