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qu’elle n’est ; il est convaincu de faiblesse, s’il n’a pu la faire paraître ce qu’elle était. Personne ayant dessein de montrer un homme, ne le couvre d’un casque ou d’un masque. C’est cependant ce qui est arrivé à l’âme, s’il est vrai que, convertie en chair, elle a revêtu une figure étrangère. Mais si l’on estime l’âme incorporelle, en sorte que par une puissance mystérieuse de la raison, l’âme existe sans que tout ce qui est âme soit corps, dans ce cas, il n’était pas impossible à Dieu, il était même plus convenable à ses desseins de la manifester dans un corps d’espèce nouvelle, plutôt que dans une substance commune à tous, et dont nous avons une notion différente[1], de peur qu’on ne l’accusât d’avoir rendu sans motif l’âme visible, d’invisible qu’elle était, donnant ainsi lieu à toutes les questions où l’on soutient que l’âme participe de la nature de la chair. Le Christ assurément ne pouvait que passer pour un homme parmi les hommes. Rends donc au Christ la foi qui lui appartient. Puisqu’il a voulu se montrer homme, il a pris également une âme de condition humaine, qu’il a revêtue d’un corps de chair au lieu de lui donner la nature de la chair.

XII. Eh bien ! que l’âme nous ait été rendue sensible par la chair, s’il est certain qu’il a fallu la manifester de manière ou d’autre, c’est-à-dire qu’elle était inconnue à elle-même et à nous, à la bonne heure. Toutefois la distinction est chimérique ici, comme si nous vivions séparés de notre âme, puisque notre âme est tout ce que nous sommes. Enfin, sans notre âme nous ne sommes rien ; il ne nous reste plus même le nom d’hommes, mais celui de cadavres. Si donc nous ne connaissons pas notre âme, elle ne se connaît pas elle-même. Il s’agit donc d’examiner simplement si l’âme a été ici-bas inconnue à elle-même, pour qu’il y ait eu obligation de la manifester par tous les moyens possibles.

  1. Ou bien, déjà connue.