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avait la nature de l’âme. L’âme est devenue chair, disent-ils, donc la chair est âme aussi. De même que sa chair était toute âme, de même son âme était toute chair. Mais ici encore, je demande des raisons. Si le Christ a pris une âme afin d’opérer en lui-même le salut de l’âme, parce qu’elle ne pouvait être sauvée que par lui, puisqu’elle était en lui, je ne vois pas pourquoi, en s’incarnant, il apurait voulu que sa chair eût la nature de l’âme, comme s’il n’avait pu sauver cette âme qu’en la faisant chair. Puisqu’il sauve nos âmes, qui non seulement ne sont pas chair, mais sont même distinctes de la chair, à combien plus forte raison a-t-il pu sauver celle qu’il avait prise, sans même qu’elle fut chair ! De même, puisque, selon eux, le Christ n’est pas venu pour délivrer la chair, mais l’âme uniquement, quelle absurdité d’abord que, venant délivrer l’âme elle seule, il la fit d’une nature semblable au corps qu’il ne devait pas délivrer ! En second lieu, s’il avait eu dessein de délivrer nos âmes, par celle qu’il a prise, il devait prendre la nôtre, c’est-à-dire donner à l’âme qu’il prenait la forme de notre âme, quelque forme qu’ait notre âme dans sa nature invisible, hors la forme de la chair toutefois. D’ailleurs, il n’a pas délivré notre âme, s’il a eu nue âme de chair ; car la nôtre n’est pas de chair. Or, s’il n’a pas délivré notre âme, par la raison qu’il n’a délivré qu’une âme de chair, qu’avons-nous de commun avec lui, puisque ce n’est pas la nôtre qu’il a délivrée ? Il y a mieux. Une âme qui n’était pas la nôtre, attendu qu’elle était de chair, n’avait pas besoin d’être délivrée ; car, si elle n’était pas la nôtre, je veux dire, si elle n’était point sans chair, quels risques courait-elle pour son salut ? Mais elle a été délivrée, le fait est certain. Donc elle ne fut point de chair. Donc celle qui a été délivrée était la nôtre, s’il a délivré celle qui était en péril. J’en conclus que si l’âme n’a pas été de chair dans le Christ, sa chair n’a pas eu davantage la nature de l’âme.

XI. Abordant un autre de leurs arguments, nous leur demandons