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XI. Vous avez raison, s’écrient les Marcionites. Qui donc est moins connu des siens que des étrangers ? Personne.

Je prends acte de cette déclaration. Comment supposer que des créatures soient étrangères à Dieu, lorsque rien ne peut lui être étranger, s’il existe, puisque le caractère distinctif d’un dieu c’est que tout lui appartienne et se rapporte à lui ? Quant au dieu improvisé, nous ne lui adresserons pas pour le moment cette question : « Qu’a-t-il de commun avec des étrangers ? » Elle viendra en son lieu avec plus de développement. Qu’il nous suffise maintenant de prouver que l’être dont aucune œuvre ne révèle l’existence, est un être chimérique. De même que le Créateur est Dieu, et un Dieu indubitable, parce que la création est son domaine et que rien dans ce domaine ne lui est étranger : de même son rival n’est pas dieu, parce que la création n’est pas son domaine et que dans ce domaine tout lui est étranger. Allons plus loin. Si l’ensemble de l’univers appartient au Créateur, je ne vois plus de place pour un autre dieu. L’immensité est pleine de son auteur : pas un point que n’occupe son infinie majesté. Restât-il quelque espace pour je ne sais quelle divinité parmi les créatures, cette divinité ne peut être que fausse. La vérité est ouverte au mensonge. Il y a tant d’idoles sur cette terre ! Pourquoi le dieu de Marcion n’y trouverait-il pas aussi sa place ?

D’après cette idée que nous avons d’un Créateur, je prétends que Dieu a dû se manifester par ses œuvres, par un monde, des hommes, des siècles qui viennent de lui. Voyez le paganisme ! Toutes ces prétendues divinités, qu’il confesse dans ses moments de bonne foi n’être que des hommes, pourquoi son erreur les a-t-elle déifiées ? Parce que chacune d’elles, se disait-il, a pourvu à mes besoins et à mon bonheur. Tant l’univers s’était persuadé d’après l’idée qu’on a de Dieu, qu’il appartient à l’essence divine de se révéler elle-même par quelque création ou quelque