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aimé, puisqu’il l’a racheté à un si grand prix ! Si le Christ est le Messie du Créateur, il a eu raison d’aimer l’homme, sa créature : s’il vient au nom d’un autre Dieu, il l’a aimé plus encore, puisqu’il a racheté un étranger. En aimant l’homme, il a donc aimé aussi sa naissance et sa chair. Car une chose ne peut être aimée sans ce qui la l’ait ce qu’elle est. Ote la naissance, où est l’homme ? Détruis la chair, où est la créature que Dieu a rachetée, puisqu’elle forme l’homme que Dieu a racheté ? Quoi ! tu veux que le Christ rougisse de ce qu’il a racheté ! Tu veux que ce qu’il n’aurait pas racheté s’il ne l’avait aimé, soit indigne de lui ! Par une régénération toute céleste, il réforme notre naissance en l’arrachant à la mort ; il guérit la chair de toutes ses infirmités ; il purifie la lèpre ; il rend la vue à l’aveugle ; il rend la vigueur au paralytique ; il chasse l’esprit malfaisant ; il ressuscite les morts ; et il rougirait de naître dans cette même chair ! S’il eût voulu naître de quelque animal, et qu’il eût prêché dans un corps de cette nature, le royaume de Dieu, ta censure, j’imagine, l’arrêterait par cette fin de non-recevoir : Cela est houleux à Dieu ! Cela est indigne du Fils de Dieu et plein d’extravagance ! ----Oui, extravagant, parce que tu l’imagines ainsi. Que ce soit une chose extravagante, à ne juger Dieu que d’après notre sens, d’accord. Mais lis, Marcion, si toutefois tu ne l’as point effacé : « Dieu a choisi ce qui est réputé folie aux yeux du monde pour confondre la sagesse. » Qu’entend-il par cette folie ? La conversion de l’homme au culte du vrai Dieu ? le renoncement à l’erreur ? le précepte de la justice, de la chasteté, de la patience, de la miséricorde, de la sainteté ? Il n’y a là sans doute rien d’insensé. Cherche donc en quoi consiste cette folie. Et si tu présumes l’avoir découvert, tu reconnaîtras en effet que ce qu’il y a de plus insensé aux yeux du monde, c’est de croire un Dieu fait homme, né d’une Vierge, prenant un corps de chair, et se précipitant, pour ainsi dire, dans tous ces abaissements de notre