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laquelle Marcion a porté la main ; sinon les êtres créés dans le ciel par le Christ, anges et hommes ; sinon les choses visibles et invisibles ; sinon les trônes et les dominations, les principautés et les puissances ? Mais je l’accorde. Nos apôtres ont été des imposteurs ; les prédicateurs juifs de l’Evangile, des faussaires ; Marcion a bien fait de dérober au profit de son Dieu cette stérile fécondité. Reste un embarras. Pourquoi le Dieu ennemi qui vient anéantir le Créateur a-t-il voulu que la plénitude des biens du Créateur résidât dans son propre Christ ?

Avec qui enfin « réconcilie-t-il toutes les créatures en lui-même, rétablissant la paix entre le ciel et la terre par le sang qu’il a répandu sur la Croix ? » Avec qui, sinon avec le Dieu qu’elles avaient outragé en commun, contre qui elles s’étaient révoltées, leur maître encore dans les derniers temps ? Leur concilier l’amour d’un dieu étranger, rien de mieux. Les réconcilier avec tout autre qu’avec leur maître offensé, impossible ! « Nous étions éloignés de Dieu, et notre cœur, livré aux œuvres criminelles, nous rendait ses ennemis. » Voilà ceux qu’il rétablit dans l’amitié du Dieu qu’ils avaient outragé, « en adorant la créature au mépris du Créateur. » Sans doute l’Apôtre appelle l’Église le corps de Jésus-Christ, comme ici, par exemple : « J’accomplis dans ma chair ce qui reste à souffrir à Jésus-Christ, en souffrant pour son corps qui est l’Église. » Mais là rien qui t’autorise à dépouiller le Christ de sa chair réelle pour ne lui laisser que le corps mystique de l’Église. Que dit-il plus haut ? « Pour vous réconcilier dans mon corps par ma mort, » ce corps dans lequel il a pu mourir, parce qu’il était de chair. Il est mort, non par l’Église, mais pour l’Église. Il est mort en livrant corps pour corps, un corps charnel pour un corps spirituel.

« Prenez garde que quelqu’un ne vous séduise par la philosophie et par de vaines subtilités, selon les éléments du monde. » Paul ne parle pas ici du ciel ou de la terre, mais