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sortis des mains du Créateur. Est-il si étrange que les serviteurs ignorent les desseins du maître ? La chose est encore plus simple pour les anges apostats et pour le chef de la révolte. Je n’hésite point à déclarer qu’à cause de leur faute, ils ont été complètement étrangers aux dispositions du Créateur.

Mais il me répugne d’entendre par les « princes de ce monde » les vertus et les puissances du Créateur, puisque l’apôtre assigne à ceux-ci l’ignorance. Or le démon, suivant notre Evangile, connaissait Jésus lorsqu’il le tenta ; et d’après celui qui nous est commun avec les Marcionites, l’esprit mauvais « savait qu’il était le saint de Dieu, qu’il se nommait Jésus, et qu’il était venu pour leur perte. »

Marcion veut-il que la parabole « du fort armé dont triomphe un plus fort que lui en le dépouillant de ses armes, » s’applique au Créateur ? Dès-lors le Créateur n’a pu ignorer plus long-temps le Dieu de la gloire, puisqu’il a été vaincu par lui. Il n’a pu davantage attacher à la croix celui dont il n’a pu triompher. Que reste-t-il à dire ? A mon avis, que les vertus et les puissances du Créateur ont crucifié sciemment le Christ Dieu de la gloire, poussées par cet excès de malice et de rage qui arme parfois contre leurs maîtres les esclaves les plus pervers. En effet, il est écrit dans l’Evangile chrétien : « Satan entra dans Judas. » Suivant Marcion, l’apôtre, dans ce passage, ne permet pas d’attribuer aux vertus du Créateur l’ignorance par rapport au Seigneur de la gloire, parce qu’il n’a pas l’intention de les désigner par ces mots : « les princes de ce monde. » Si l’apôtre n’a pas entendu parler des puissances immatérielles, donc il a voulu désigner celle de la terre. Donc il avait en vue et le peuple le plus illustre, quoique parmi les nations il ne fût pas au premier rang, et ses chefs, et son roi Hérode, et Pilate lui-même, qui présidait au nom de la majesté romaine, la plus haute puissance de la terre. Ainsi l’édifice de nos démonstrations