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s’il n’est l’être par excellence ; point d’être par excellence, s’il n’exclut tout rival ; point d’être sans rival, s’il n’est unique. Tourmentez-vous tant qu’il vous plaira dans vos laborieuses conceptions. Pour étayer la majesté débile de votre dieu, il lui faudra comme attribut nécessaire et essentiel l’éternité avec la souveraine grandeur. Or, je vous le demande, le moyen que deux êtres souverainement grands subsistent à la fois, quand l’essence de l’être souverainement grand n’admet point d’égal, et qu’à Dieu seul appartient cette sublime prérogative !

IV. Vous vous trompez, s’écrie-t-on ! Deux êtres souverainement grands peuvent subsister à la fois, mais distincts et confinés chacun dans ses limites. Puis, avec la puérile persuasion que les choses divines se comportent comme les choses humaines, on allègue les royautés de la terre, royautés nombreuses et pourtant souveraines dans les contrées où elles s’exercent. Prêtons-nous à un pareil raisonnement. Qui empêche dès-lors de faire intervenir, je ne dis pas un troisième ou un quatrième dieu, mais autant de dieux que la terre compte de rois ? Ne l’oublions pas ! il s’agit ici de Dieu, dont l’attribut essentiel est de repousser toute comparaison. A défaut d’un Isaïe proclamant cette vérité, ou de Dieu lui-même s’écriant parla bouche de son prophète : « A qui me comparerez-vous ? » la nature elle-même le crie assez haut. Peut-être qu’à toute force on pourrait trouver quelques points de ressemblance entre les choses humaines et les choses divines, il n’en va pas de même de Dieu. Autre est Dieu, autre ce qui vient de lui. Mais vous qui. descendez sur la terre pour lui emprunter vos exemples, prenez garde, l’appui va vous manquer. En effet, ce monarque terrestre, si élevé que je le suppose sur son trône, n’est grand toutefois que jusqu’à ce Dieu devant lequel il s’abaisse. Comparée à la majesté éternelle, la majesté du temps croule et s’anéantit. Pourquoi donc des rapprochements aussitôt évanouis que conçus ?