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qui signifie simplement que d’une ame fidèle, et d’une foi pure, ne peuvent sortir des œuvres mauvaises, pas plus que des œuvres bonnes d’une foi ou d’une ame dépravée. Que fait Marcion ? impuissant comme la plupart des hommes, et surtout comme les sectaires, à résoudre ce problème : D’où vient le mal ? les yeux affaiblis par les efforts même d’une curiosité orgueilleuse, et arrêté dès le premier pas devant cette parole du Créateur : « Je suis celui qui envoie les maux ; » le voilà qui se confirme dans ses fatales croyances, se laisse persuader par des arguments qui ne manquent jamais de persuader les arides les plus perverses, et applique audacieusement au Dieu créateur cette comparaison évangélique d’un arbre produisant de mauvais fruits, c’est-à-dire le mal. Mais quel autre dieu répondra à l’autre terme de la similitude ? Il imagine je ne sais quelle autre substance, d’une bonté sans mélange, opposée aux dispositions du créateur, divinité nouvelle et étrangère, qui s’est révélée récemment dans son christ. C’est ainsi qu’il corrompt la masse de la foi par le mauvais levain de l’hérésie. Un nommé Cerdon, père de ce scandale, le revêtit de sa première forme. Les aveugles ! ils s’imaginèrent qu’il leur était plus facile d’entrevoir deux divinités, eux qui n’avaient pu en contempler une seule dans sa plénitude ! on sait qu’un flambeau unique se peint double à des yeux malades. Ainsi, l’un de ces dieux que le sectaire était contraint d’avouer, il l’anéantit en lui attribuant tout le mal. A l’autre qu’il élève péniblement sur un vain échafaudage, il confie le gouvernement du bien. Sur quel ressort a-t-il établi ces deux natures1 rivales ? Notre réfutation l’apprendra.

III. Le fond de la dispute, la dispute tout entière est une question de nombre. « Est-il permis d’introduire deux divinités ? » Nous connaissions déjà les libertés de la poésie, les libertés de la peinture. Nous en avons de nouvelles, les libertés de l’hérésie. Mais la vérité chrétienne a prononcé en termes clairs : « Si Dieu n’est pas un, Dieu n’