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nos plages civilisées comme si elle avait honte de sa barbarie. Les peuples les plus féroces l’habitent, si toutefois c’est l’habiter que d’y vivre errants dans des chars. Point de demeure fixe ! Des habitudes brutales, la promiscuité des femmes, des voluptés grossières et sans voile. Leur arrive-t-il de cacher leurs plaisirs dans la solitude ? le carquois dénonciateur est suspendu au joug pour écarter d’indiscrets témoins. Ils ne rougissent pas de ces armes accusatrices. Ils égorgent leurs pères pour se nourrir de leur chair qu’ils mêlent à celle des animaux. Malheur à qui termine ses jours par une mort naturelle, sans emporter l’espoir d’être dévoré par les siens ! la malédiction pèse sur son trépas. Là les femmes sont étrangères à tous les sentiments de pudeur propre à leur sexe. Les mères refusent leurs mamelles à leurs enfants. Au lieu d’une quenouille, la hache ; au lieu du mariage, les rudes exercices de la guerre. Le ciel lui-même est de fer dans ces régions sauvages. Jamais de jour lumineux ; un soleil tardif et ne se montrant qu’à regret ; pour atmosphère de sombres vapeurs ; pour toute saison, l’hiver ; tout vent est pour eux aquilon. Les liquides ne recommencent à couler qu’à l’aide de la flamme ; le cours des fleuves est enchaîné par les glaces ; les montagnes grandissent sons les neiges qui s’y amoncellent. Partout la torpeur, l’engourdissement, la mort. En ces lieux il n’y a d’ardent que les passions féroces. Aussi la scène tragique a-t-elle emprunté à ces lieux sinistres foutes ses tragédies, les sacrifices de la Tauride, les amours de Colchos, les tortures du Caucase. Mais parmi les monstrueux enfantements de celle terre, la production la plus monstrueuse, c’est Marcion. Marcion ! plus farouche que le Scythe, plus inconstant que l’Hamaxobien, plus sauvage que le Massagète, plus audacieux que l’amazone, plus ténébreux que l’ouragan, plus froid que l’hiver, plus fragile que la glace, plus fallacieux que l’Ister, plus abrupte que le Caucase. Faut-il s’en étonner ? Le sectaire poursuit de ses blasphèmes le vrai Prométhée, le Dieu tout-