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lesquels il vivait, hésitant à le reconnaître pour Dieu, ou pour le Fils de Dieu, le considéraient au moins comme un grand prophète, mais toujours avec une naissance réelle ? Mais, qu’il fût urgent de le tenter à cette occasion, d’accord. Tout autre argument eût mieux convenu pour le tenter que l’allusion à des proches qu’il pouvait ne point avoir sans que sa naissance en fût moins véritable. Parle ! tous les enfants ont-ils conservé leur mère ? Tous ceux qui ont vu le jour ont-ils des frères ? Ne peut-on, à chances égales, avoir un père, des sœurs, ou même n’avoir plus personne de ses proches ? L’histoire atteste qu’il y eut sous le règne d’Auguste un recensement exécuté dans la Judée par Sextius Saturninus. C’est à ces archives qu’ils auraient dû demander la preuve de sa naissance et de sa famille : tant il est vrai que cette ruse n’avait pas de motif, et que c’étaient sa mère et ses frères véritables qui l’attendaient à la porte.

Il nous reste à examiner quel est le sens allégorique de ces mots : « Où est ma mère et qui sont mes frères ? » Il y a là comme un désaveu de sa naissance et de sa famille, exigé par sa mission, et où il faut distinguer. Ses proches, debout à la porte, et cherchant à le détourner d’une œuvre si solennelle, tandis que des étrangers, l’œil fixé sur lui, écoutaient attentivement ses discours, lui causèrent à bon droit un moment, d’impatience. Ce n’était pas tant les renier que les répudier. Aussi, il n’a pas plutôt dit : « Où est ma mère, et qui sont mes frères, » qu’il se hâte d’ajouter : « Sinon ceux qui entendent et accomplissent mes paroles. » Il transporte les noms du sang et. de la chair à d’autres que la foi rapprochait davantage de lui. Or, on ne transfère d’une personne à une autre que des droits déjà existants. D’ailleurs, appeler sa mère et ses frères ceux qui ne l’étaient pas, est-ce nier ceux qui l’étaient ? Il enseignait par son propre exemple où était le mérite ; il ne le plaçait point dans le désaveu des parents, mais il voulait dire que « si on ne savait pas préférer à la parole de Dieu son