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il suffit de dire que cette forme de langage était encore annoncée par le Créateur. Cette déclaration : « Votre oreille écoutera et vous n’entendrez point, » fournit au Christ l’occasion d’inculquer cet avertissement : « Qui a des oreilles pour entendre, entende ! » Non pas que pour attester sa différence le Christ permît l’usage d’une faculté qu’interdisait le Créateur ; mais l’avertissement venait à la suite de la menace. D’abord : « Votre oreille écoutera et vous n’entendrez point ; » ensuite : « Qui a des oreilles pour entendre, entende ! » Il ne s’agissait point ici en effet des oreilles du corps qui s’ouvrent d’elles-mêmes : il nous apprenait que les oreilles du cœur étaient nécessaires ; et c’est par là que les rebelles ne devaient point entendre, selon l’oracle du Créateur. Aussi ajoute-t-il par son Christ : « Prenez garde comment vous entendez, de peur de ne pas entendre. » Avec les oreilles du cœur apparemment, et non celles du corps. En laissant à cette déclaration le sens légitime que le Seigneur y attachait lui-même, lorsqu’il éveillait l’attention humaine, ces paroles, « Prenez garde comment vous entendez, » n’annonçaient que trop une menace de surdité morale.

Ton dieu se nomme le dieu de la mansuétude, parce qu’il ne juge, ni ne s’irrite. Le texte qui vient immédiatement après le prouve suffisamment. « Celui qui a, il lui sera donné. Quiconque n’a pas, même ce qu’il a lui sera enlevé. » Que lui sera-t-il enlevé ? Le don qu’il aura reçu. Mais quel est celui, qui donne et qui enlève ? Si la chose doit être enlevée par le Créateur, elle sera donc aussi donnée par lui. Si elle est donnée par le dieu de Marcion, elle sera donc également enlevée par ce dernier. N’importe à quel titre il menace de m’enlever mon trésor, il n’est plus le Fils de ce dieu dont la bouche ignore la menace, parce qu’il ne sait pas s’irriter.

Autre inconséquence ! Personne, au dire de ton Dieu, « ne cache la lampe qu’il a allumée ! » Et lui, flambeau du monde, lumière tout autrement nécessaire, il voile ses rayons