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venaient les prophètes. Si, d’une part, la multitude glorifie le Créateur ; si, de l’autre, le Christ, témoin de ces actions de grâces, et lisant au fond de leurs cœurs, ne redressa point des hommages qui, à l’aspect de cette merveille, s’adressaient au Créateur du mort ressuscité, indubitablement, ou le Christ prêchait le même Dieu qu’il laissait honorer à la vue de ses bienfaits et de ses prodiges, ou bien, par une lâche connivence, il ferma les yeux sur les longues erreurs auxquelles il apportait un remède.

— Mais Jean se scandalise au bruit des miracles du Christ, qu’il prend pour un Dieu étranger.

Expliquons d’abord la nature de son scandale, afin de dissiper plus facilement le scandale de l’hérésie. Alors que le dominateur des puissances, le Verbe, l’Esprit du Père opérait ses merveilles et répandait sa doctrine parmi nous, les rayons de l’Esprit saint qui, aux termes de la mission prophétique, avaient illuminé le Précurseur pour l’aider à préparer les voies du maître, durent se retirer de Jean-Baptiste et remonter au Seigneur, leur centre et leur principe. Homme ordinaire, et confondu avec la foule, Jean se scandalisa ; par ce côté humain, mais non pas parce qu’il espérait ou entrevoyait un autre Christ, puisqu’il attendait le même comme ne devant rien enseigner ni rien faire de nouveau. Personne n’élève de doutes sur un être chimérique ; on ne comprend ni n’espère le néant. Or, Jean-Baptiste avait la ferme conviction qu’il n’existait pas d’autre Dieu que le Dieu créateur. Sa qualité de Juif, et, plus encore, sa mission de prophète, lui parlaient assez d’un Christ à venir. S’il hésita, ce ne peut être raisonnablement que sur un point : Celui qui était né était-il réellement le Christ ? Aussi, dans ses préoccupations, lui fait-il demander par ses disciples s’il était bien celui qui devait venir, ou s’il fallait en attendre un autre. « Es-tu celui qui doit venir ? » Question simple et naturelle adressée au Messie qu’il attendait. « Faut-il en attendre un autre ? » Qu’est-ce à dire ? Si tu n’es pas celui que nous attendons, celui dans l’