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« Un aveugle peut-il mener un aveugle ? Ne tomberont-ils pas tous deux dans la même fosse ? »

Quelques-uns croient à Marcion. Mais « le disciple n’est pas au-dessus du maître. » Apelles aurait dû s’en souvenir, lorsque le disciple de Marcion corrigeait son maître. « Hérétique, ôte la poutre qui obstrue ton œil, » avant de dire au Chrétien : « Tu as une paille dans le tien. » « Un arbre bon ne porte point de mauvais fruits, » le répéterons-nous encore, parce que la vérité n’engendre point l’hérésie. « Un arbre mauvais n’en portera point de bons, » parce que la vérité ne germe point sur l’hérésie. Aussi Marcion n’a-t-il rien tiré de bon du trésor de Cerdon, qui était mauvais, ni Apelles du trésor de Marcion. En effet, la similitude où le Christ désignait les hommes, et non deux Dieux selon le scandale de Marcion, s’applique bien plus légitimement à ces novateurs eux-mêmes.

Il me semble que je ne suis point sorti de la ligne où j’essayais d’établir que nulle part le Christ n’avait manifesté un autre Dieu. Je m’étonnerais qu’ici seulement les mains de Marcion eussent tremblé devant l’adultère, si je ne savais que la crainte saisit les brigands eux-mêmes. Point de crime sans terreur, parce que point de crime où la conscience reste muette. Les Juifs ne connurent donc point d’autre Dieu que celui hors duquel ils n’en connaissaient point, et ils n’invoquaient d’autre Dieu que le Dieu qu’ils connaissaient. S’il en est ainsi, qui donc a pu dire : « Pourquoi m’appelez-vous Seigneur, Seigneur ? » Sera-ce le Dieu qui n’avait jamais été appelé de ce nom, puisqu’il n’avait jamais été promulgué ? ou bien celui qui passait depuis long-temps pour le Seigneur, puisqu’il était connu dès l’origine, c’est-à-dire le Dieu des Juifs ? Et quel autre aurait pu ajouter avec lui : « Vous ne faites pas ce que je dis ? » Sera-ce encore celui qui essayait d’enseigner pour la première fois, ou bien celui qui leur parlait depuis long-temps par l’organe de la