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ses propres bénédictions ! Comme si la longanimité n’était pas aussi l’apanage du Créateur ! Comme s’il n’avait pas des entrailles de père avec la sévérité de juge ! En effet, après avoir déployé la miséricorde dans les béatitudes, il déployait la justice dans les malédictions, développant toute l’étendue de sa doctrine, afin d’incliner les hommes, d’une part à mériter l’amour, de l’autre à se prémunir contre la haine. « Je t’ai proposé la bénédiction et la malédiction, » avait-il dit anciennement. Oracle qui présageait la même disposition dans l’Evangile !

D’ailleurs, qu’il est inconséquent, le Dieu qui, pour m’insinuer sa miséricorde, m’oppose la cruauté de son rival ! La recommandation qui s’appuie sur la diffamation est de faible valeur. Il y a mieux. En mettant son indulgence en parallèle avec la cruauté du Créateur, il affirme qu’il est redoutable. Redoutable ! il faut donc que je travaille à lui complaire, au lieu de le négliger. Et ne voilà-t-il pas que le christ de Marcion commence à prêcher dans les intérêts de son rival ? Et puis si les imprécations contre les riches appartiennent au Créateur, le Christ son ennemi, sans courroux contre les riches, regarde d’un œil pacifique, ce qui fait la matière de leur condamnation, l’orgueil, la vaine gloire, l’amour du siècle, le mépris de Dieu, toutes choses auxquelles le Créateur a dit : Malheur ! Mais comment la réprobation des riches ne viendrait-elle pas du même Dieu qui louait les pauvres précédemment ? Qui approuve une chose, réprouve son contraire. Si la malédiction contre les riches retourne de plein droit au Créateur, il en résulte que la bénédiction promise aux mendiants lui appartient aussi. L’œuvre toute entière du Christ devient donc l’œuvre du Créateur. Assigneras-tu au dieu de Marcion la bénédiction promise aux mendiants ? A lui aussi reviendra la malédiction contre les riches. Alors il ressemble au Créateur, bon d’un côté, formidable de l’autre ! Alors plus de fondement à la distinction en vertu de laquelle on établit deux divinités ; et cette distinction une fois anéantie, que