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XII
VIE DE TERTULLIEN.


cutait les Chrétiens, est une troisième apologie pour tous les disciples du Christ quels qu’ils fussent, catholiques ou dissidents. Il cite le persécuteur au tribunal de Dieu, s’il continue de sévir contre des innocents.

Le livre de la Couronne du Soldat, celui de la Fuite pendant la persécution, et enfin celui où il prouve que les vierges doivent être voilées, semblent appartenir aux derniers temps de la chute.

Nous avons vu deux hommes dans Tertullien ; nous rencontrons aussi deux écrivains. Tant qu’il est fidèle à ses premières croyances, son génie brille de tout son éclat. Profond et original, il sort des règles ordinaires du langage pour se créer un idiome nouveau. Il éblouit par la beauté de ses images ; il tonne, il renverse par la solidité de ses arguments. Aussi long-temps qu’il est dans la vérité, il ne connaît point d’égal ; mais du moment que l’esprit de Dieu s’est retiré de lui, comme autrefois de Saül, il faiblit et chancelle. Il conserve encore d’admirables clartés par intervalles, mais souvent aussi il tombe dans l’affectation et l’enflure. Ses arguments n’ont plus ni l’enchaînement ni la solidité accoutumée. Il se contente parfois de raisons plus spécieuses que solides pour prouver ce qu’il avance, lui qui avait tout à l’heure le regard si pénétrant et la parole si incisive. Il devient crédule comme un enfant. Le docteur s’est fait peuple, et accepte avec lui des chimères et des visions ridicules. Tant il est vrai que la pensée nourrit l’élocution, et que le style tout entier c’est l’homme. Qu’on le sache bien cependant : Tertullien, ainsi que l’ange déshérité de sa gloire, conserve encore dans sa chute une partie de sa puissance et de son génie.

Au reste, il ne fut pas plus constant dans l’erreur qu’il ne le fut dans la vérité. Vers la fin de sa carrière, il abandonna complètement la secte des Montanistes. Mais, au lieu de retourner à l’unité catholique, il se fit lui-même chef de secte. Pourquoi cette nouvelle révolution dans sa vie ? Avait-il découvert que Montan n’était qu’un grossier imposteur, cachant des mœurs suspectes sous un rigorisme hypocrite ? Son orgueil chercha-t-il à son tour des disciples qui portassent son nom ? Faut-il attribuer à tout autre motif cette dernière marque de versatilité humaine ? L’histoire ne s’est pas expliquée là-dessus ; mais le fait en lui-même est incontestable. Post-