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Christ inconstant et versatile, tantôt destructeur, tantôt vengeur des prophètes. Il les détruit comme rival, en convertissant leurs disciples ; il se les concilie comme amis, en flétrissant leurs ennemis. Mais autant la défense des prophètes est incompatible avec le christ de Marcion qui venait, les détruire, autant il convient au Christ du Créateur de condamner les meurtriers de ces mêmes prophètes dont il accomplissait fidèlement les oracles. Autre raison. Reprocher aux enfants les crimes de leurs pères était bien plus l’œuvre du Créateur que d’un Dieu débonnaire, sans châtiment même pour les prévarications personnelles.

— Mais, dis-tu, établir l’iniquité des Juifs, en montrant qu’ils avaient immolé les prophètes, ce n’était pas défendre les prophètes.

—Que lui importait la prévarication des Juifs ? Ils ne méritaient que son éloge et son approbation en poursuivant des hommes dont le Dieu débonnaire, après tant de siècles d’apathie, venait ruiner l’empire. Mais je te comprends ; il n’était plus le Dieu exclusivement bon, et un séjour de quelques aimées auprès du Créateur avait arraché à son indifférence le dieu d’Epicure. Voilà, en effet, qu’infidèle à ses précédents, il s’emporte à des malédictions, capable enfin de ressentiment et de colère. « Malheur, malheur à vous ! » s’écrie-t-il. On nous conteste la portée de ce mot ; on veut qu’il renferme moins une malédiction qu’un avertissement. Malédiction, ou avertissement, peu nous importe, puisque l’avertissement ne va point sans l’aiguillon de la menace, plus amère encore par cette imprécation : Malheur ! L’avertissement et la menace appartiennent à qui sait s’irriter : point d’avertissements ni de menaces de punir une faute, sans vengeance pour la châtier ; point de vengeance s’il n’y a possibilité de colère. D’autres, tout en souscrivant à la réalité de la malédiction, veulent que cet anathème, au lieu d’être la pensée du Christ et de lui appartenir, n’apparaisse ici que comme contraste, afin de relever par l’inflexibilité du Créateur, l’indulgente bonté de