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est là une circonstance qui ne décide ni la différence du Christ, ni la prééminence de sa bonté pour avoir guéri, tout étranger qu’il était, un Israélite que son maître n’avait pu guérir. Sais-tu pourquoi le Syrien a été préféré ? Il était le symbole des nations que défiguraient sept prévarications capitales, l’idolâtrie, le blasphème, l’homicide, l’adultère, la fornication, la calomnie et le vol, lèpres hideuses que mon Christ, flambeau de la terre, devait laver dans son sang. Aussi est-il ordonné au malade de se baigner sept fois dans le Jourdain, comme pour expier chacune de ces infamies. Ce nombre présageait en même temps la purification des jours de la semaine ; car au Christ seul était réservée la force et la plénitude d’un bain unique, au Christ qui apportait à la terre une régénération ainsi qu’une parole abrégée.

— « Elisée, réplique Marcion, à défaut de tout autre matière, employa l’eau du Jourdain, et par sept fois : mais mon christ n’eut besoin que de la parole et même d’un seul mot, pour guérir sur-le-champ le lépreux. »

— Comme si je n’osais pas revendiquer la parole elle-même parmi les substances du Créateur ! Comme si celui qui est venu le premier n’était pas le principal auteur de toutes choses ! En vérité, c’est sans doute une chose incroyable que la force du Créateur guérisse par une parole une infirmité, lui qui par une parole a créé à l’instant tout ce vaste univers. Et à quel titre reconnaîtrai-je le Christ du Créateur, plutôt qu’à la puissance de sa parole ?

— « Il a agi autrement qu’Elisée ; le maître est plus puissant que le serviteur ; donc il est un Christ différent. »

Eh quoi ! Marcion, établis-tu en principe que les serviteurs doivent s’élever à la sublimité du maître ? Ne crains-tu pas de te couvrir de confusion, en niant que mon Dieu soit le Christ du Créateur, par la seule raison qu’il a surpassé en puissance le serviteur du Créateur, qui, comparé à la faiblesse d’Elisée, réclame la supériorité, si toutefois il