Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/185

Cette page n’a pas encore été corrigée

les Églises elles-mêmes. D’ailleurs, si les apôtres n’ont rien publié, comment s’imaginer que les disciples aient publié quelque chose ? Y a-t-il des disciples sans maîtres qui les enseignent ? Le fait est donc établi : ces Evangiles étaient entre les mains des Églises. Pourquoi, encore un coup, Marcion n’en dit-il pas un mot, pour les réformer s’ils ont subi des falsifications, pour les reconnaître, s’ils sont authentiques ?

Car si des hommes corrompaient alors l’Evangile, il convenait surtout à Marcion et aux siens de rétablir les Ecritures dont ils savaient l’autorité mieux accueillie ! Ainsi les faux apôtres eussent procédé pour l’erreur, comme les apôtres pour la vérité. Autant il est vrai que Marcion aurait corrigé ce qui devait être corrigé, s’il y avait eu altération, autant il confirme que ce qu’il n’a pas cru devoir corriger n’était pas altéré. En un mot, il a réformé ce qu’il a estimé corrompu ; mais à tort, puisque la falsification n’existait pas. En effet, s’il est vrai que les écrits apostoliques nous soient parvenus dans leur intégrité, ef. que l’Evangile de Luc, maintenant entre nos mains, soit si bien d’accord avec eux, qu’il subsiste avec eux dans les Églises, il faut en conclure que l’Evangile de Luc nous est arrivé intact, jusqu’au sacrilège de Marcion. C’est le jour où Marcion lui fit violence, qu’il se trouva différent de l’œuvre apostolique, et son rival. Je donnerais donc ce conseil à ses disciples : Ou changez les autres Evangiles, quoiqu’un peu tard, à son exemple, afin de rétablir une apparente conformité avec ceux qui nous viennent des apôtres (car tous les jours vous le faites, comme nous vous le reprochons tous les jours) ; ou rougissez d’un maître convaincu sur tous les points, tantôt d’altérer frauduleusement la vérité, tantôt de la renverser avec impudeur »

Nous usons de ce moyen abrégé quand nous défendons contre les hérétiques la vérité de l’Evangile ; nous faisons valoir et l’ordre des temps, qui prescrit contre la postériorité des faussaires, et l’autorité des Églises que protège la tradition