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légitime de son auteur. Mais nous aimons mieux suivre l’ennemi dans toutes ses attaques, nous qui n’ayons dans nos livres ni impostures, ni réticences.

Entre tous nos écrivains évangéliques, Marcion paraît s’être attaché à Luc pour le mettre en pièces. Or Luc n’était pas un apôtre, ruais un homme apostolique ! Ce n’était pas un maître, mais un disciple ; inférieur, par conséquent, à son maître ; on ne lui contestera pas d’être venu le second, puisqu’il fut le disciple du second apôtre, de Paul indubitablement. Ainsi quand même Marcion eût introduit son évangile sous le nom de Paul lui-même, dénuée de l’appui des devanciers, cette œuvre isolée manquerait de litre pour se faire recevoir. Ou la confronterait avec l’Evangile que Paul a écrit, auquel il a donné créance, et avec celui auquel il s’est empressé de conformer le sien. En effet, « il monte à Jérusalem pour connaître les apôtres, et se concerter avec eux, de peur d’avoir couru sans fruit dans la lice, » c’est-à-dire de peur que sa foi et sa prédication ne fussent différentes. Puis, aussitôt qu’il eut conféré avec les fondateurs du christianisme, et qu’ils furent d’accord sur les règles de la foi, « ils se prirent la main, » et se partagèrent les fonctions de la prédication : aux apôtres les Juifs ; à Paul les Juifs et les nations. Par conséquent, si celui qui fut le flambeau de Luc voulut fortifier sa foi et sa prédication de l’autorité de ses prédécesseurs, à plus forte raison demanderai-je à l’Evangile du disciple de s’appuyer sur l’autorité du maître. Mais combien l’obligation redoublera encore si le mystère de la religion chrétienne passe du disciple de Paul jusqu’à Marcion ! Qu’autrefois il soit descendu de Paul à Luc, rien de mieux. L’Evangile de Luc a pour lui un témoignage qui le recommande.

III. Marcion a lu dans l’Epître aux Galates les reproches que Paul adresse aux apôtres eux-mêmes, « de ne pas marcher droit selon la vérité de l’Evangile, » et à quelques faux prophètes, « de pervertir l’Evangile de Jésus-Christ. » Le