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à Dieu seul appartient la perfection. De même la colère et l’indignation n’apparaissent pas dans l’homme avec l’incorruptibilité et l’inaltérable repos de Dieu, privilège incommunicable de sa nature. Il s’irrite, mais sans trouble ; il s’indigne, mais sans changement, sans altération. L’universalité de ses mouvements doit répondre à l’universalité des nôtres, sa colère à notre scélératesse, sa jalousie à notre orgueil, son indignation à notre ingratitude, et tout ce qui est formidable aux méchants, de même qu’il a des miséricordes pour les faibles, de la longanimité pour les pécheurs qui ne reviennent pas à lui, des récompenses pour qui les mérite, des largesses pour les justes et tout ce que les bons réclament. Chacune de ses affections diverses ? il l’éprouve, mais comme il convient à l’être parfait et éternel, qui a communiqué à l’homme ses facultés, mais dans les limites de sa nature.

XVII. Ces considérations établissent la sagesse des jugements divins, ou pour parler un langage plus digne, nous les montrent comme la sauvegarde de cette bonté universelle et souveraine que les Marcionites séparent de la justice, et qu’ils ne veulent pas reconnaître dans le même Dieu, pure dans son essence, « faisant pleuvoir sur les bons comme sur les méchants, et lever également son soleil sur les justes et sur les impies. » Cependant à quel antre qu’au Créateur convient cet éloge ? Vainement Marcion osa retrancher de l’Evangile ce témoignage rendu par Jésus-Christ à notre Dieu. Il est gravé dans le livre de l’univers : il est lu par toutes les consciences. Tremble, Marcion ! cette patience que tu nies, t’attend et te jugera ; cette patience « qui désire le repentir du pécheur plutôt que sa mort, et qui préfère la miséricorde au sacrifice. » Tu la nies ! Mais n’est-ce pas elle qui détourne le glaive suspendu sur la tête des Ninivites ? qui accorde quinze années aux larmes d’Ezéchias ? qui rétablit sur le trône de Babylone un roi pénitent ? qui rend aux supplications de tout un peuple le fils de Saul,