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corruption et nos misères. Ne nous laissons pas tromper ici par la ressemblance des mots ; mais, distinguons soigneusement les substances ! Les sens de Dieu et ceux de l’homme, quoique désignés sous un terme commun, différent autant que leur nature. Ainsi l’on attribue à l’Eternel une main, des pieds, des oreilles, des yeux ; mais ces yeux, ces oreilles, cette main, ces pieds seront-ils semblables aux nôtres parce qu’ils portent le même nom ? Autant il y a de différence entre le corps de Dieu et celui de l’homme, malgré la communauté du mot membre, autant il y a de différence entre l’ame divine et l’ame humaine, sous cette appellation générale de sentiments, corrupteurs dans l’homme parce que la substance humaine est corruptible, incapables d’altérer l’essence divine parce que celle-ci est incorruptible. Crois-tu à la divinité du Créateur ? — Assurément, réponds-tu. — Comment donc imagines-tu de prêtera Dieu les imperfections de l’homme,, au lieu de lui laisser sa divinité tout entière ? Admettre sa nature divine, n’est-ce pas exclure tout ce qui participe de l’homme, puisqu’en confessant sa divinité, tu as déclaré d’avance qu’il ne ressemblait en rien aux créations humaines ? Or, après avoir reconnu également que c’est Dieu qui a répandu sur le visage de l’homme un souffle de vie, et non pas l’homme qui a soufflé la vie au Créateur, n’y a-t-il pas un étrange renversement d’idées à placer dans Dieu les qualités de l’homme, au lieu de placer dans l’homme les qualités de Dieu ; à faire Dieu à l’image de l’homme, au lieu de faire l’homme à l’image de Dieu ? Voilà par quel côté je suis l’image de Dieu. Mon ame a reçu les mêmes sentiments et les mêmes qualités que lui ; mais non dans le même degré que lui. La propriété et les effets varient avec les deux substances.

Réponds-moi d’ailleurs ! pourquoi appelles-tu qualités divines les sentiments contraires, c’est-à-dire la patience, la compassion, et la bonté qui les engendre ? Nous sommes loin toutefois de les posséder dans leur perfection, parce qu’