Page:Tertullien - Œuvres complètes, traduction Genoud, 1852, tome 1.djvu/100

Cette page n’a pas encore été corrigée

et s’opposât à foute rivalité. Ainsi cette justice distributive qui condamne en jugeant, et punit après avoir condamné, n’est que la dispensation de la bonté. Quoi qu’on en dise, cette prétendue barbarie, loin de trahir un naturel violent, est. un témoignage d’indulgence. D’ailleurs la frayeur de ses jugements tourne au profit du bien, et non du mal. Il ne suffisait plus que le bien, désormais aux prises avec le mal et vaincu par lui, fût recommandable en soi-même. Tout aimable qu’était la vertu, il ne lui était plus possible de se maintenir, et son antagoniste l’eût aisément terrassée, si quelque frayeur salutaire n’avait poussé ou retenu dans les voies du bien même ceux qui s’y refusaient.

D’ailleurs, au milieu de tant de séductions du mal contre le bien, qui se fût porté vers le bien qu’il pouvait mépriser impunément ? Qui eût travaillé à conserver ce qu’il pouvait perdre sans risque ? « La voie qui conduit au mal est large et beaucoup plus battue, » nous disent les livres saints. L’universalité des humains ne s’y engagerait-elle pas, si on le pouvait sans trembler ? Eh quoi ! nous tremblons devant les formidables menaces du Créateur, et pourrant à peine sont-elles capables de nous arracher au mal ! que fût-il arrivé s’il n’y avait point eu de menaces ? Appelleras-tu mal une justice qui ne favorise point le mal ? Refuseras-tu le nom de bien à celle qui pourvoit à l’exécution du bien ? Tu ne veux pas d’un Dieu tel qu’il doit être ; en vaudrait-il mieux créé à ta fantaisie ? un Dieu sous lequel le crime dormît en paix ? Un Dieu qui fût le jouet du démon ? Le Dieu, bon, selon toi, serait celui qui réussirait le mieux à rendre l’homme méchant, puisqu’il lui assurerait l’impunité.

Mais je le demande, où est l’auteur du bien, sinon celui qui le sanctionne ? De même, quel est l’homme étranger au mal, sinon l’ennemi du mal ? Quel en est l’ennemi, sinon celui qui le réprime ? Qui le réprime, sinon le juge, qui le châtie ? Ainsi, Dieu tout entier est bon quand il est tout