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la simplicité d’une âme d’enfant. Elle allait naturellement à la lumière, à toutes les grandes idées, à tous les sentiments nobles, à tout ce qui est tendresse et dévouement, à tout l’art et à toute la poésie. Elle était ineffablement désintéressée. Elle avait, du mensonge, et même de ce demi-mensonge où vivent les meilleurs d’entre nous, une horreur instinctive. « J’ai beaucoup de défauts », disait-il souvent, « mais je ne sais pas dissimuler. » Elle était, cette âme, sans le savoir ― comme il arrive maintenant à tant d’âmes généreuses ― très profondément chrétienne, puisqu’elle avait, tout à la fois, le souverain détachement et même le mépris de la richesse, l’imperturbable douceur qui conquiert la terre, la faim et la soif de la justice, la miséricorde jamais lassée, l’amour de tout ce qui purifie et l’amour de tout ce qui pacifie, et puisqu’elle a, sans murmurer, subi d’affreuses tortures. Comment pourrait-on croire qu’une âme comme celle-là, aussi promise aux Béatitudes, ne fût pas immortelle ? Exilée, ou captive, ou dissimulée, des années durant, sous des voiles épais et sombres : nous l’avons vue ainsi, hélas ! et c’est un confondant mystère. Mais détruite à tout jamais : allons donc ! cela n’est pas possible. Quels soleils la vaudraient, quelles nébuleuses la remplaceraient ? et comment le Créateur inimaginable des mondes pourrait-il se passer éternellement d’un tel rayon de sa Gloire ?

Marcel Bertrand, dans l’intimité, ne parlait pas souvent, ni volontiers, d’autre chose que de sa science. La géologie avait rempli sa vie : c’est elle encore qui remplit sa correspondance familiale. « Je crois que j’ai trouvé la solution » ― écrit-il de Provence, en 1888, à sa jeune femme. ― « Reste à la vérifier : ce sera peut-être long, mais, si c’est vrai, c’est plus étonnant que le Beausset, ou, pour mieux dire, ce serait la même chose, le Trias sur le Crétacé, mais sur une si énorme étendue que