Page:Termier - Marcel Bertrand, 1908.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.

grandes nappes, peu de dates auront autant d’importance.

Moins d’un mois auparavant, le lundi 13 janvier 1896, la récompense que Marcel Bertrand ambitionnait à juste titre depuis plusieurs années, la seule, à vrai dire, qu’il ait jamais désirée et sollicitée, était venue presque spontanément à lui. Sans avoir eu aucune lutte à soutenir, aucun effort à faire, il avait été élu membre de l’Académie des Sciences, par 47 voix sur 54 votants, en remplacement de Pasteur mort le 28 septembre 1895. Le nouvel académicien est tellement connu déjà, et son autorité est si grande, que la chose n’a causé aucune surprise et que l’on ose à peine le féliciter. Pour lui, sa joie est assurément très vive ; mais cette solennelle consécration de son œuvre ne le changera pas. Il demeurera aussi simple, aussi modeste, aussi méfiant de ses propres idées, aussi clairvoyant sur ses propres travaux, aussi bon juge et aussi généreux admirateur des travaux des autres, qu’il a toujours été. Le succès est la pierre de touche des belles âmes. Son âme, à lui, était merveilleusement belle.

Pourtant les années passent. « Que l’œuvre est longue ― me disait-il, en 1890, au retour d’une excursion commune dans les glaciers de la Vanoise ― et que le temps est court ! » Et je le vois, vers la fin d’un autre été, comme nous entrions ensemble, au tomber d’un soir, dans un village du Briançonnais, s’arrêter brusquement devant la façade de la très vieille église, et, de son bras étendu, me montrer cette devise en exergue autour du cadran solaire : Il est plus tard que vous ne croyez. L’avertissement était si grave et le silence des monts immobiles était tellement impressionnant que nous étions restés quelques minutes sans rien dire, comme si nous eussions entendu le bruit sourd des heures roulant une par une dans le gouffre du passé, ou comme si ces huit mots