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le vieux maître sait un grand secret : il sait que les plus forts d’entre nous ne savent rien ; que, devant la Vérité immuable, la science va se transformant sans cesse ; que nos théories sont, autour des phénomènes, de simples vêtements, commodes et éclatants pendant quelques jours ou quelques années, et qui bientôt se démodent, se déforment, vieillissent et tombent. Dans les yeux de son jeune suppléant brille l’étincelle créatrice : et cela suffit à Chancourtois pour qu’il ait, malgré tout, confiance ; pour qu’il assiste, ému sans doute, mais muet et résigné, pendant toute une année scolaire, à la démolition de son cours et à la reconstruction, sur un tout autre plan, d’un édifice complètement nouveau. À la fin de cette année scolaire, Chancourtois meurt. Marcel Bertrand est nommé professeur de Géologie à l’École des Mines au mois de janvier de 1886 ; il vient de jouer, dans la Réunion extraordinaire de la Société géologique de France qui a eu pour théâtre les montagnes du Jura, le rôle le plus actif ; ses travaux de stratigraphie sur les calcaires coralligènes de la région jurassienne et sur les terrains secondaires de l’Andalousie, ses études de géologie structurale sur les failles du Jura et sur la chaîne provençale de la Sainte-Baume, sa récente explication du problème des Alpes de Glaris, l’ont rendu déjà presque célèbre. Dorénavant, c’est en maître qu’il va parler : et jamais professeur de Géologie prenant possession de sa chaire ne promènera sur la surface entière de la planète un regard plus clairvoyant et plus ferme.

Ayant lu depuis peu, dans l’édition allemande publiée à Prague de 1883 à 1885, le premier volume de l’ouvrage d’Eduard Suess, Das Antlitz der Erde, Marcel Bertrand a vu tout de suite que ce livre « marque un progrès considérable, presque le début d’une phase nouvelle, dans l’étude des grands problèmes de la géologie générale ». Plus tard, il sera plus affirmatif encore et dira que le même