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Les anciens attribuait aux poëtes le don de connaître l’avenir et les choses cachées. Cette fois-là, du moins, le jeune poëte avait deviné.

Je crois avoir porté à un assez haut degré de certitude la petite démonstration dans laquelle je suis entré ici. Nous nous formons assurément quelquefois, nous autres amateurs, de bien étranges chimères. Que d’admirables créations, sorties de notre cerveau, se sont souvent évanouies devant un sérieux examen ! Je sais tout ce qu’on a dit, tout ce qu’on pourrait dire encore sur les paroxysmes de la fièvre bibliographique ; mais enfin nous ne nous trompons pas toujours ; et qu’on me présente d’ailleurs un seul de nos rêves entouré d’autant de probabilités que celui-là.

Je ne puis plus, malheureusement, transmettre tous ces détails à notre pauvre Musset-Pathay, mort du choléra lors de l’invasion du fléau ; mais il faut pourtant bien que je le dise à quelqu’un, il faut bien que je publie ma nouvelle découverte, pendant que ceux qui savent que j’ai cueilli ma pervenche sur le quai du Louvre, et non dans les champs au milieu desquels je vis aujourd’hui, sont encore là pour constater ce grand fait. Je devance donc, Madame, l’époque où je vous aurais entretenue de ma petite Imitation de Jésus-Christ, et je me hâte de vous écrire dans toute l’émotion du premier moment. Jamais je n’aurai porté assez tôt à la connaissance de ceux qui aiment les vieux livres et les grands écrivains ; la vive, l’indi-