Page:Tenant de Latour - Mémoires d’un bibliophile, 1861.djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vous le savez, pour une si grande part dans les ineffables jouissances du bibliophile : c’est la seconde moitié de ma péripétie.

Vous sentez bien que, d’après mes dispositions d’esprit et de cœur, j’avais toujours regardé comme un des plus heureux accessoires de mon volume cette petite fleur desséchée qui avait manqué me causer autant d’émotion qu’à Rousseau lui-même, lorsque mon collègue Le F… s’écria comme lui : « Et de la pervenche ! » Tout prouvait que cette fleur était toujours restée la fleur de prédilection de Jean-Jacques, puisqu’il avait placé cet échantillon entre les pages d’un livre ami, et c’était bien déjà quelque chose ; mais j’eus à peine entrevu cette demande à son libraire et cette date de 1763 qu’il me revint dans l’esprit, comme un éclair, que c’était précisément vers cette époque, qu’en se promenant avec M. Dupeyrou, il avait aperçu la fleur que son exclamation a rendu depuis si célèbre. Je cours vérifier la chose avec une espèce de tremblement nerveux, et je trouve en effet, au tome Ier des Confessions, livre vie, ces ravissantes lignes que tout le monde a lues, que personne n’a oubliées, mais que j’éprouve un véritable bonheur de reproduire ici :

« Je donnerai de ces souvenirs un seul exemple qui pourra faire juger de leur force et de leur vérité. Le premier jour que nous allâmes coucher aux Charmettes, maman était en chaise à porteurs, et