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précieuses dans le même format. Quelques années plus tard, il m’accompagna dans ma solitude, pour y figurer parmi mes plus douces consolations. Il ne tarda pas à remplir aussi la destination que lui avaient assignée d’avance, comme à toutes mes autres raretés, les amis dont je m’éloignais avec tant de regret. Il fut visité par le vieux pasteur du lieu, par un ou deux grands chasseurs du voisinage, par quelques autres encore. Il lui vint même, avec le temps, de plus chauds admirateurs : devant son orgueilleuse tablette s’arrêtèrent parfois d’aimables Parisiens, quelques jolies Parisiennes, des hommes de lettres distingués ; bref, je croyais que nous étions parvenus, lui à l’apogée de sa gloire, et moi au comble de ma satisfaction. De temps à autre, lorsque j’étais rendu à mon isolement, je le regardais avec amour, je cherchais de nouveau les lignes autographes, je jetais un coup d’œil sur la pervenche, je flairais le volume, et tout était dit. Je ne supposais pas que dans ce bas monde, il fût permis aux joies du bibliophile d’aller encore plus loin.

Mais nous voici enfin, Madame, à la dernière péripétie de cette histoire, que les profanes auront trouvée beaucoup trop longue, sans doute, tandis que, soutenue par des souvenirs qui nous sont communs, vous m’avez déjà pardonné tous mes détails. Cette péripétie est double, et c’est sa seconde moitié qui a eu le pouvoir de me faire un pas de plus dans