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le même toit. M. de Ranc…, madame, cet admirable appréciateur de tout ce qui tient aux lettres et qui les cultive, sans mot dire, avec tant de succès, reçut naturellement la seconde explosion de mon bonheur, de là j’allai chez son excellent frère, que nous avons tant pleuré depuis ! C’était là que m’attendait une troisième preuve morale, qui, assurément, étant sans nécessité, mais qui, comme vous allez le voir, n’était pas sans poésie.

Auprès de ce pauvre Henri se trouvait, au moment où j’entrai, notre collègue Le F… Le livre vint, à son tour, dans ses mains ; il en tourna quelques feuillets, et du ton de quelqu’un qui produit un dernier motif de conviction, il nous dit : « Et de la pervenche ! »

Je ne connaissais pas la pervenche, et je n’avais vu, jusque-là, dans la petite fleur qui était sous mes yeux, qu’une raison de penser que Rousseau portait ce livre avec lui lorsqu’il allait à la promenade ; mais, à ces derniers mots, ce fut de ma part, et aussi un peu, en vérité, de la part de ceux qui étaient présents, des cris répétés de surprise et de plaisir. Rousseau, à ce qu’il paraissait, avait continué son culte à la pervenche, puisqu’il la recueillait et la conservait en toute occasion. J’aurais volontiers embrassé Le F… ; cependant je lui en voulais un peu de ce qu’il n’avait pas dit précisément comme Rousseau lui-même : « Ah ! voilà de la pervenche ! » Enfin, je reprends mon