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cienne découverte, pour arriver ensuite à celle qui date seulement de trois jours.

Vous vous souvenez donc, Madame, ou peut-être ne vous souvenez-vous plus que, vers 1827, me promenant sur un de mes quais d’affection, le quai du Louvre, je remarquai, au milieu des volumes d’une échoppe, le titre latin d’une Imitation de Jésus-Christ. Je n’ouvrais guère ce livre, en pareille rencontre, que lorsque le petit format carré long pouvait me faire espérer un Elzévir. Cependant, ce jour-là, soit que j’eusse un peu plus de temps à ma disposition, soit tendance naturelle à ne rien laisser derrière moi sans y avoir jeté un coup d’œil, je pris le petit volume, en apparence vrai meuble de séminariste, et je l’ouvris machinalement.

C’était, en effet, une édition assez commune de Paris, chez Lemercier, 1751 ; la croix ordinaire, avec quelques accessoires, figurait sur le frontispice ; mais immédiatement au-dessus on lisait ces mots autographes : À J.-J. Rousseau.

Je restai immobile d’étonnement, et aussi d’un plaisir que vous vous imaginez, vous qui connaissez (par moi du moins) tous les enfantillages de notre état. Il m’était impossible de méconnaître l’écriture de Rousseau, qui m’est si familière ; cependant, malgré ma certitude à cet égard, après avoir payé ma découverte soixante-quinze centimes, je pris par le Pont-des-Arts, dont je me trouvais alors peu éloigné,