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NOS POÈTES 49


Et Sully s’évanouit. Et il ne reste plus que Prudhomme.

Mais n’allez point sourire (ou vous affliger) trop tôt. Voici que dans ces vers inégaux, et de forme souvent initiale, des accents éclatent où nous n’étions point habitués. Je crois bien que M. Sully est maintenant, çà et là, un grand poète (le plus incomplet, si Ton veut, d’entre les grands). Sa voix s’est affermie et virilisée. Il a des éclats, des grandiloquences, des amertumes. Il laisse bien loin derrière lui les gentillesses de ses premiers recueils. Comme son âme est inquiète et troublée dans les admirables stances Sur la Mort t (2)

.... Ah ! doctrines sans nombre, où l’été de mon âge Au vent froid dd discours s’est flétri sans mûrir, De mes veilles sans fruit réparez le dommage ; Prouvez-moi que la morte ailleurs doit refleurir,

Ou bien qu’anéantie, à l’abri de l’épreuve, Elle n’a plus jamais de calvaire à gravir. Ou que la même encor sous une forme neuve, Vers la plus haute étoile elle se sent ravir !

Faites-moi croire enfin dans le Néant ou l’Être, Pour elle, et tous les morts que d’autres ont aimés ; Ayez pitié de moi, car j’ai soif de connaître ! Mais vous n’enseignez rien, verbes inanimés !

(2) Les Vaines Tendresses.