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douceur. Et puis, cela n’est-il pas naturel vraiment, que l’idée de la mort mène au dégoût de la vie ? Qu’est-ce qu’une existence d’un jour, empoisonnée par l’horrible attente de l’instant final ? Il est affreux qu’il faille mourir. Mais, dès qu’il le faut et qu’on le sait, il n’est pas moins affreux de vivre. Autant la mort tout de suite. On sera délivré du moins de la torture d’y songer. De là tant d’invocations au Néant. M. Émile Zola n’est point si malavisé de réduire tout le pessimisme de son Lazare à la peur physique de la mort[1]. Oui, tel qui se plaint de la vie s’en plaindrait moins, s’il ne savait qu’elle doit finir. La peur et l’amour de la mort sont des sentiments plus voisins qu’on ne pense. Ou, mieux encore, ce ne sont, l’une que la forme simple, et l’autre que la forme dérivée d’un même sentiment. Et ce sentiment s’exprimera de préférence sous sa forme dérivée, avec de certains airs d’orgueil, de bravade et de défi, tant que la mort ne sera qu’une éventualité lointaine, et d’une importance, en quelque sorte, théorique. Mais il reviendra volontiers à sa forme simple quand la mort apparaîtra toute proche et menaçante. C’est là qu’en est M. Leconte de Lisle.

  1. La Joie de vivre.