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Mais l’âme de Hugo, du moins, m’intéresse. Je l’aime jusque dans ses petits côtés, dans son éternel besoin de faire illusion à lui-même et aux autres. Même lorsqu’il fait le terrible, il a une bonhomie qui peut plaire. Et comme, çà et là, il est tendre et profond ! Comme telle de ses petites chansons nous est indulgente, et nous va au cœur :


Un hymne harmonieux sort des feuilles du tremble ;
Les voyageurs craintifs, qui vont la nuit ensemble.
Haussent la voix dans l’ombre où l’on doit se hâter…[1]


N’est-ce pas qu’elle est toute charmante, cette bienveillance à nos faiblesses, et cette sympathie pour nos craintes ? Un Grec l’aurait eue. Musée dit de Léandre : « À vrai dire, il trembla d’abord… » Mais croyez-vous que M. Leconte de Lisle pense jamais à nous plaindre d’avoir peur la nuit ? Il n’a garde. Cela ne serait point de sa dignité. Il ne songe qu’à nous étonner de sa solennité perpétuelle et de ses gestes sculpturaux. Ses lamentations pessimistes même, encore qu’elles soient belles, ne nous émeuvent pas tant que celles de M. Sully (qui est pourtant un moindre artiste) ou de madame Ackermann (qui n’est pourtant point artiste du tout). C’est qu’il a l’air tout consolé au

  1. Quatre Vents de l’Esprit. Livre III.