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sur la destinée qui voulait qu’elles fussent délaissées dans le monde d’en haut par les mêmes maris qui les avaient emprisonnées dans celui d’en-bas.

Et, si sombres que fussent les femmes, les bêtes admises dans le jardin l’étaient bien davantage. La chamelle du prophète Saleh, toujours accroupie à terre, levait à peine sur les passants sa tête dédaigneuse et bizarre ; et le chien Ar-Rakim semblait se divertir moins encore que pendant les trois cent neuf années qu’il resta couché, les pattes étendues, à l’entrée de la caverne des Sept-Dormants. La Fourmi elle-même, la bonne et sage fourmi qui fit compliment à Soléïman, et lui offrit une cuisse de sauterelle, avait fini par se lasser d’emplir toujours ses caves pour des hivers qui n’arrivaient point. Elle avait pris en dégoût ce monde où l’on n’avait rien à faire, et ces élus toujours inoccupés ; et quand Abd-er-Rhaman voulut lier conversation avec elle, elle secoua sa petite tête, et s’éloigna sans répondre.

Ainsi tout était morne au septième ciel, les hommes, les femmes et les bêtes ; et tous les soirs la voix, qu’Abd-er-Rhaman trouvait maintenant lugubrement ironique, faisait retentir dans l’immensité du jardin ces paroles invariables :