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entre ses pattes, et à l’homme le bonheur immobile au paradis, et tous les deux auront tôt fait de s’en lasser. Abd-er-Rhaman en était là. Sa faculté de jouissance avait eu beau s’agrandir à son entrée au ciel, elle n’était pourtant pas devenue infinie, car aucune des facultés d’un être limité ne peut être sans limites ; et la continuité du plaisir avait assez vite rassasié ses sens et refroidi son âme.

Le charme était rompu. Abd-er-Rhaman fut plus désenchanté encore le lendemain et les jours suivants. Il rechercha la société de ses compagnons et son ennui s’accrut sous l’influence du leur. Beaucoup d’ailleurs ne quittaient plus leurs demeures de perle creuse. Le Prophète lui-même, très sombre depuis qu’il n’avait plus d’infidèles à combattre, vivait dans une réclusion absolue ; et il y avait des siècles qu’on ne l’avait vu sortir de son palais aux soixante-dix mille pavillons.

Mais, si tristes que fussent les hommes, les femmes l’étaient bien plus encore ; et elles l’étaient presque dès leur arrivée ; car leur part était beaucoup moins grande aux jouissances divines. Les houris ne leur étaient d’aucun usage ; elles ne trouvaient en entrant au paradis personne à aimer et personne qui les aimât ; et elles n’avaient guère d’autre occupation que de gémir