— Jamais tu ne verras sur lui ou chez lui, dans sa somptueuse demeure, le moindre objet de fabrication étrangère. Tout, depuis l’humble et modeste bouton de faux-col jusqu’au luxueux et opulent paletot fourré, porte la marque : « Made in Canada ».
— Voilà au moins une étiquette qui n’est pas du terroir.
Qu’importe le mot, pourvu qu’on aie l’article ? Encourager son pays, voilà le vrai patriotisme ou je ne m’y connais pas.
Je ne répliquai point, car je songeais en rougissant in petto — si l’on peut dire — que je manquais moi-même de patriotisme : mes chaussures avaient été faites avec la peau d’un veau américain et mes chemises étaient empesées à l’empois chinois. Mon ami, heureusement, ne s’aperçut de rien et il continua :
— Tiens, dit-il, veux-tu des exemples entre mille. Déshabillons un peu Untel, ou plutôt habillons-le.
Je fis un geste d’acquiescement.
— Sais-tu où il achète ses habits ? Chez le fashionable tailleur Moses Rosenbloom.