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« Le matérialisme[1] est l’enfant de l’Angleterre… Le vrai fondateur du matérialisme et de la science inductive des temps modernes est Bacon. Pour lui, la science se compose seulement des sciences naturelles… la science, c’est l’expérience… Induction, analyse, observation sont les éléments principaux de la méthode rationnelle. Le mouvement est la propriété inséparable de la matière… et la force qui crée même les êtres animés… On ne peut séparer l’idée de mouvement de la matière qui l’engendre… L’homme est soumis aux mêmes lois que la nature. »

Parlant de l’influence de la philosophie matérialiste et sensualiste anglaise en France, Marx dit : « On sentait dans ce pays la nécessité d’un système positif et antimétaphysique… L’ouvrage de Locke apparut juste à propos. »

Comment s’est-il fait, demanderai-je encore aux disciples d’Engels, que Bacon et Locke, les fondateurs « du matérialisme, de la science inductive et du système antimétaphysique », soient qualifiés par Engels de fondateurs de la métaphysique ? Et comment osent-ils dire aux ouvriers qu’il existe un autre matérialisme que celui des sciences naturelles ? Et de quel droit eux, élevés à l’école réactionnaire et métaphysique de Hegel, s’attribuent-ils l’invention du matérialisme, en combattant le vrai matérialisme des naturalistes ? Comment peuvent-ils dire aux ouvriers que l’explication économique de l’histoire, élaborée par toute la science, fut découverte par eux et que justement cette découverte est le vrai matérialisme ?

Malgré leur prétention scientifique, je crois qu’Engels et ses disciples ont surtout agi ainsi par ignorance. Qu’ils écoutent alors ce que dit un grand naturaliste allemand sur le matérialisme « vulgaire » des sciences inductives. Peut-être apprendront-ils que les idées de Bacon et de Locke, adoptées par Marx, alors que ni lui ni Engels n’aspiraient à une dictature internationale, que ces idées, dis-je, enrichies et développées,

  1. Voir son article sur le matérialisme français (1845), reproduit par Die Neue Zeit.