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jourd’hui la solidarité entre les hommes… rien de semblable. Il suffit que les ouvriers votent pour les députés qui se disent socialistes, que le nombre des derniers augmente jusqu’à devenir une majorité au Parlement, et alors on décrétera un collectivisme ou communisme d’État, et tous les exploiteurs se soumettront paisiblement au vote du Parlement. Ils ne tenteront pas la moindre résistance, car leur nombre, selon la loi de concentration capitaliste, aura infiniment diminué.

Quelle belle et facile perspective ! Pensez donc ! sans effort, sans souffrance, une loi fatale nous prépare un avenir de bonheur. Il est si attrayant d’envisager les difficultés d’un problème ardu au travers de couleurs riantes, surtout quand on est illusionné au point d’avoir la profonde conviction que la science elle-même, la philosophie moderne nous enseignent cette vérité si consolante. Et justement cette prétendue loi présente, dans l’exposé de Marx, tous les attributs d’une vérité absolue de la science et de la philosophie modernes.

« L’appropriation capitaliste, conforme au mode de production capitaliste, constitue la première négation de cette propriété privée qui n’est que le corollaire du travail indépendant et individuel. Mais la production capitaliste engendre elle-même sa propre négation avec la fatalité qui préside aux métamorphoses de la nature. C’est la négation de la négation… » (triade absurde de la dialectique métaphysique !) L’expropriation s’accomplit par le jeu des lois immanentes de la production capitaliste, lesquelles aboutissent à la concentration des capitaux. Corrélativement à cette centralisation, à l’expropriation du grand nombre de capitalistes par le petit, etc.[1]… À mesure que diminue le nombre des potentats du capital qui usurpent et monopolisent tous les avantages de cette période d’évolution sociale, s’accroît la misère. » (Capital, p. 342, édition française.)

  1. Dans le texte anglais publié par Engels après la mort de Marx, il y a la phrase : « Un capitaliste tue beaucoup de capitalistes. »